Un soir de pleine lune... Une taverne d'Amakna où de nombreuses crapules et voleurs en tout genre sont attablés autour de chopines de bière... Une jeune sacrieuse est apparue à la porte de la taverne et après s'être brièvement présentée, appelle un compagnon jusqu'à présent invisible...
*Regarde à droite à gauche et ne trouve pas ce qu'elle cherche...*
SILK ! SILK BON SANG RAMÈNE TA FRAISE !
*Un petit chacha entra dans la salle en trottinant, pas plus effrayé que ça par le regard noir que lui lançait la sacrieuse. Il se hissa sur une table au milieu de multiples taches de bière et sembla se concentrer intensément pendant que la sacrieuse alla s'appuyer sur un mur dans un coin sombre. Le chacha, au grand étonnement de tous se mit à parler :*
Ecoutez, vaillants guerriers, l'histoire de Paillette, la sacrieuse mercenaire. La sacrieuse, étant toute petite, avait été abandonnée par ses parents, nul ne connaît leur identité. Pour on ne sait quelle raison, elle fut trouvée, emmaillotée dans des langes, appuyée contre un arbre de la forêt des Abraknydes...
- Dis, tu crois que ça se mange ?
- Euh non Lamer... C'est un bébé ça n'se fait pas de manger un bébé...
- Bah y'a personne là, sa chair doit être bien tendre et je crève de faim !
- Non non, allez hop laisse tomber, on met les voiles...
Le bébé se mit à pleurer, ses cris déchiraient les tympans des deux brigands qui se trouvaient par hasard dans les parages...
- Ha bon sang mais fais-le taire !
- Bah tu veux même pas me laisser le bouffer alors débrouille-toi toi même...
- C'est pas possible j'ai plus d'oreilles ! Fais quelque chose ou je lui enfonce mon épée dans le crâne !
Un géant énorme et difforme s'approcha de l'enfant qui hurlait de tous ses poumons. Sa tête hirsute et déformée parut intriguer quelques secondes l'enfant qui cessa de hurler... Après deux minutes de contemplation, ses cris reprirent de plus belle.
- Bon sang mais éloigne toi de lui tu lui fous les j'tons, viens on s'en va !
- Non euh... tu sais je crois que ce machin là... c'est un sacrieur comme moi... Je vais pas laisser un cousin seul dans la forêt avec tous ces abraknydes autour ça se fait pas ça...
- Sacrieur ou pas fais le taire j'en ai marre !
Le géant difforme souleva avec délicatesse le bébé et le leva près de son visage.
- Dis donc c'est vrai que c'est un sacrieur, regarde ses oreilles, c'est typique !
Le bébé aperçut l'autre malandrin qui accompagnait le géant à tête d'ogre, il le contempla un moment puis ses larmes s'arrêtèrent de couler et il commença à rire aux éclats en regardant la tête de l'acolyte.
- Dis donc... il serait pas en train de se moquer de moi là ?
- Te plains pas, il ne hurle plus... On le garde ?
- Tu plaisantes ? Tu veux ruiner notre réputation ou quoi ! On est des BRIGANDS ! Des VOLEURS ! T'imagines la tête des gens si on se ramène avec un môme, on va perdre notre crédibilité !
- Mais non va... on se débrouillera !
- Jamais d'la vie, je refuse.
- Tu vas voir, c'est un sacrieur, il promet déjà regarde comme il me tire la barbe, une vraie brutasse ! Il fera un sacré compagnon dans les pillages !
- Mouais...
Le nain barbu regardait le bébé d'un air circonspect, il n'avait pas l'air convaincu... Il allait se remettre à protester lorsqu'un buisson se mit à remuer de façon étrange à côté d'eux... Pétrifiés, ils attendaient comme deux nigauds, lorsqu'une abrakne sombre surgit brutalement du fourré. Les deux compères prirent leurs jambes à leur cou sans autre forme de procès.
Dix-sept ans plus tard, le bébé avait évidemment bien grandi... Quelle n'avait pas été la stupeur du nain gâteux et du géant à tête d'ogre lorsqu'ils se rendirent compte que le bébé n'était... qu'une fille ! Il avait encore fallu des trésors de persuasion pour convaincre Lammer, le vieillard rusé, pour garder le nourrisson ! Detton, le géant sacrieur, lui, s'était entiché de la "môme", comme il l'appelait, et pour rien au monde il n'aurait voulu s'en débarrasser... Il lui apprit les techniques sacrieuses pour maîtriser la douleur et en tirer le meilleur parti, son élève semblait prendre plaisir à cet enseignement et elle cherchait avec avidité les expériences douloureuses pour parfaire ses techniques. C'est ainsi qu'ils la nommèrent Paillette.
Notre jeune sacrieuse a donc dix sept ans. Accompagnée de l'enutrof crasseux et du sacrieur barbare, ils vivaient en pillant les caravanes et les récoltes des Ingalsse. C'est par ce beau jour radieux que nous retrouvons nos compères, tous les trois tapis dans les buissons, attendant que passe une caravane de marchandises...
Une énorme charrette vint à passer sous leurs yeux, les trois bondirent, Paillette en premier. Le chien du caravanier se mit à aboyer furieusement. Paillette marcha calmement vers le charretier.
- Salut à toi, bon paysan, que dirais-tu d'une petite bagarre ?
- Vous... Vous êtes les trois mercenaires ?! Non pitié, ne me tuez pas, prenez la marchandise mais laissez moi la vie sauve...
Froncement de sourcil de la jeune sacrieuse...
- Allons tu ne vas même pas résister ? Allez frappe-moi, défends ton bien, quoi, si tu me tuais peut être que tu repartirais bon pied bon œil ?
Sans prévenir, le chien sauta et empoigna de sa gueule le bras de la jeune sacrieuse. Celle-ci le regarda, sans broncher et continua à parler au fermier sans se soucier du chien qui restait mollement accroché à son bras :
- Alors quoi ? Frappe-moi allez ! Défends-toi ! Allez euh...
Le fermier, convaincue qu'il avait affaire à une folle, sauta alors de sa charrette armé d'un gourdin et lui flanqua de toute ses forces un coup de massue sur le crâne. La sacrieuse ne broncha pas, elle se contenta d'effleurer sa tête et sentit une bosse qui commençait à se profiler sous sa tignasse de cheveux.
- Allons bon c'est pas encore ça... Cogne plus fort bon sang ! Tu veux vraiment qu'on raconte à tout Amakna que tu ne cognes guère plus fort qu'un tofu malade ? Misère on ne peut plus compter sur personne dans cette région...
Le fermier, cette fois vraiment certain que cette nénette était folle à lier prit son élan et frappa d'une force magistrale au niveau des côtes de la sacrieuse. Celle-ci arbora un air décontenancé puis agita son bras en tout sens pour faire décrocher le chien qui était toujours scotché à son avant bras. Le cabot valsa dans les airs et percuta un arbre, de petites étoiles voletaient dans sa tête et il ne bougea plus. Lammer s'approcha, mit la main sur l'épaule de la sacrieuse et lui dit d'un ton paternel :
- Allons, allons, ne sois pas déçue ça viendra...
Le fermier se dit soudain qu'il était entouré de malades mentaux, il laissa tomber sa massue et fila, les bras en l'air, le plus loin qu'il put. La sacrieuse releva alors la tête et ses yeux devinrent deux braises ardentes qui pétillaient dans ses prunelles. Furieuse de ne pas avoir trouvé ce qu'elle cherchait, elle prononça un mot, un seul. Lammer et Detton reculèrent, sachant ce qui allait se passer. Detton poussa un soupir à fendre l'âme lorsqu'il vit le typhon qu'il connaissait bien s'abattre violemment sur la charrette. Celle-ci vola en éclat sous l'impact dégénéré de cette tempête qui s'acharnait sur elle. La marchandise, quant à elle, s'envola comme un fétu et tout s'éparpilla à dix lieux alentours. Lorsque la fureur de la sacrieuse se fut calmée, ses yeux reprirent leur teinte habituelle et elle semblait mélancolique.
- Bon sang ça suffit ! J'en ai assez de te voir pourir tout notre butin à chaque fois, ça finit toujours comme ça !
C'était le nain bougon qui hurlait de frustration. Lammer tenta de calmer le jeu mais c'était peine perdue. La sacrieuse observa la scène d'un air curieusement détaché, comme si elle prenait conscience d'une chose très importante.
- Allez calme-toi Detton on en trouvera une autre et la prochaine fois Paillette restera en arrière d'accord ?
- Non non et non, trop c'est trop, je l'aime beaucoup cette gamine mais regarde les dégats qu'elle fait ! Non vraiment c'est pas possible, on ne pourra jamais vivre avec sa furie dévastatrice, c'est impossible.
Paillette s'avança, très calme.
- Oncle Detton ? Oncle Lammer ? Je comprends, il faut que je parte.
- Non ma belle, s'écria Lammer, son gros visage boursouflé réfléchissant tout à coup une peine immense. Non tu ne peux...
- Je dois partir, oncle Detton a raison je ne vous suis d'aucune aide. Et puis je dois trouver ma voie. Vous m'avez élevée, vous m'avez nourrie et je gâche vos butins, je fais tout de travers. Je vais partir explorer le monde et trouver les Dofus dont tout le monde parle, je deviendrai forte, je maîtriserai mon pouvoir et je vous retrouverai... nous reprendrons nos chasses ensemble...
Lammer s'effondra, en larmes. Sa grosse tête hirsute secouée de sanglots faisait peine à voir. Quant à Detton, son faciès de nain rusé arborait une curieuse expression et on y lisait facilement la tristesse. Malgré ce qu'il avait dit sur le coup de la colère, il aimait beaucoup cette gamine qu'ils avaient élevée ensemble, Lammer et lui.
Suite aux adieux déchirants qui s'ensuivirent, la jeune Paillette partit découvrir le monde. Elle explora Incarnam de fond en comble puis canalisa sa folie meurtrière sur les bouftous et les porkass. Elle fit la rencontre de Lunard-White, Murder-White et Bikey et des liens profonds se nouèrent entre eux ; ils promirent de l'aider dans sa quête de la force et la jeune sacrieuse ne les quitta plus.
Voilà, messieurs, l'histoire de la jeune sacrieuse qui est venue chercher refuge auprès de vous, amis.
*Les gens attablés s'étaient tous arrêtés de boire ; certains étaient fascinés par l'histoire, d'autres regardaient bêtement le chacha en se demandant toujours comment une bestiole comme ça pouvait parler... Paillette se rapprocha dans la lumière et fit face aux visages qui la fixaient*
A suivre...